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La drôle de mobilisation de la CGT à Disneyland Paris à quelques semaines des fêtes

REPORTAGE - Pour la troisième fois en un peu plus d’un mois, une partie des employés de Disneyland Paris débrayaient, ce mercredi 10 novembre, à l’appel de la CGT, pour dénoncer leurs conditions de travail. Les autres organisations syndicales ne soutiennent pas la mobilisation, initiée, selon la plupart d’entre elles, pour des motifs bien éloignés du droit des salariés.

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Les salariés de Disneyland manifestent devant le parc, mercredi 10 novembre.

Les salariés de Disneyland manifestent devant le parc, mercredi 10 novembre.

G. Echelard/ Challenges

À la sortie de la gare de Marne-la-Vallée Chessy, ce mercredi 10 novembre, les visiteurs du parc Disneyland Paris ne sont pas accueillis par les airs féeriques de Walt Disney, mais par les chants révolutionnaires Bella Ciao et L’Internationale, et des bruits de klaxon. Sur le parvis, les drapeaux rouges de la CGT flottent, attirant le regard intrigué de quelques touristes. Le deuxième syndicat le plus important du parc avait appelé au débrayage, pour la troisième fois en un mois, pour dénoncer la dégradation des conditions de travail des employés.

Fabien Beiersdorf, secrétaire général du syndicat, revendique la présence de 220 personnes au rassemblement toute la journée, une pétition ayant reçu quelque 3.000 signatures, et prévient: “L’objectif c’est d’aller vers une grève générale pour Noël.” Les autres organisations syndicales, elles, sont dubitatives quant aux motivations de ce mouvement de contestation.

“Il n’y a plus de vie privée”

Au cœur des revendications de la CGT, se trouve la question des horaires. Depuis le début de l’été, des “horaires adaptés”, fruits d’un accord signé en juillet 2020, sont mis en place. Ils permettent à l’entreprise de ne plus faire travailler ses employés systématiquement 7 heures par jour, mais de faire varier leurs horaires quotidiens entre 4 et 10 heures, tout en restant sur une base de 35 heures par semaine.

De même, la semaine de cinq jours consécutifs n’est plus garantie. Fabien Beiersdorf dénonce: “Derrière, il n’y a plus de vie privée, c’est très compliqué pour les salariés qui ont des enfants en bas âge.” Fausto Sortolano, hôte d’accueil dans une bagagerie et syndiqué à la CGT, abonde: “Avant, on avait encore une partie de la journée qui nous restait pour profiter de la vie. Là, c’est fini. Sur un travail physique comme le mien, une journée de 10 heures, c’est très dur.” À cela s’ajoute une gestion des plannings, désormais par un logiciel, “qui ne remplace pas la gestion humaine”, reconnaît Dorothée Argence, déléguée syndicale de la CFE-CGC, le syndicat des cadres.

“Ces débrayages n’ont pas de sens”

Toutefois, les autres syndicats ne jugent pas la CGT sincère, à l’image de Malek Belaiboud, secrétaire général de l’UNSA Disneyland Paris: “C’est un prétexte. Ils avaient signé au départ cet accord sur les horaires adaptés.” En juillet 2020, seules l'UNSA et la CFTC avaient en effet refusé de signer l'accord en question. La CGT déclare avoir retiré sa signature, car les garanties de l’accord pour les salariés –ne pas avoir à changer de lieu de travail ou encore avoir les mêmes jours de récupération– ne seraient pas respectées. Pas de quoi convaincre Djamila Ouaz, secrétaire générale de la CFDT, le syndicat majoritaire: “Ces débrayages répétitifs n’ont pas de sens, surtout après un confinement. On va renégocier les accords sur les horaires en janvier. À ce moment-là, on pourra discuter”.

Laurent Burazer, représentant de la CFTC, nuance lui aussi: “L’appel à la grève, ça doit vraiment être au dernier moment. Et pour le moment, la direction est ouverte au dialogue, il faut négocier.” Cela n’empêche pas le membre du troisième syndicat représentatif de dénoncer fermement les nouveaux horaires et le logiciel de gestion des plannings: “Depuis trente ans, on n'a jamais connu un tel problème global de la planification. Je n’ai jamais vu autant de souffrance au travail, les gens sont épuisés.”

Au siège de Disneyland Paris, on explique que l’intérêt de ces nouveaux horaires est de pouvoir capitaliser davantage sur les membres de l’entreprise en CDI, grâce à des horaires plus adaptés. L’entreprise garantit que, depuis le mois de juin, plus de 80% des salariés travaillent entre 6 et 8 h chaque jour. Elle explique aussi qu’actuellement plus de 85% des salariés ont deux jours consécutifs de repos garantis par semaine. 

Une prime de 2.500 euros réclamée

Les colères sont multiples, à l’image de celle d’un musicien en CDI, venu jouer des percussions sur le parvis de la gare. Il n’a pas été retenu pour jouer le spectacle du Roi lion au détriment d’intérimaires, et reste ainsi au chômage partiel: "Ça fait trente ans que je suis à Disney. On ne mérite pas ça. On se sent comme des déchets. Leur volonté, c’est juste de nous faire partir.”

La CGT et son secrétaire général dénoncent aussi le nouveau logiciel de gestion des payes qui “laisse le salarié se débrouiller par lui-même”, des ruptures conventionnelles collectives qui masquent “un plan social”, des licenciements pour inaptitude qui se répètent, ou des salariés qui “apprennent du jour au lendemain qu’ils vont travailler dans un nouveau restaurant”. Le syndicat réclame enfin une augmentation de 100 euros nets, ainsi qu’une prime de fin d’année de 2.500 euros pour tous les salariés, suite aux pertes de revenus engendrées par le chômage partiel et l’épidémie de Covid-19.

L’ombre d’un ancien délégué syndical

Dorothée Argence, délégué générale de la CFE-CGC, reconnaît que les salariés sont fatigués, mais s’agace: “La CGT est prête à revendiquer tout et n’importe quoi. La dernière négociation, en octobre, a acté une augmentation générale des salaires de 3%, et ils ne l’ont même pas signée. Ils ne sont pas dans une logique de construction.” Djamila Ouaz, de la CFDT abonde et répond aux critiques soulevées par la CGT: “Les ruptures conventionnelles, j’en suis fière, des gens étaient heureux de partir. Et pour les licenciements, il y a des gens qu’on ne peut pas reclasser.”

Pour les organisations syndicales, exceptée la CFTC “qui n’a pas envie de rentrer dans la polémique”, la CGT masque les réels motifs de sa mobilisation. Djamila Ouaz, de la CFDT explique: “Leur but, c’est de faire revenir quelqu’un, l’ancien secrétaire du syndicat à Disney. C’est un rapport de force qu’ils veulent instaurer pour faire revenir une personne qui n’est plus depuis plus de cinq ans dans l’entreprise.” La personne en question? Amadou N’Diaye qui n’est pas inconnu des médias.

“J’ai gagné mon procès”

Retour en 2009. L’homme, alors secrétaire général du comité d’entreprise de Disneyland Paris, est accusé avec deux autres prévenus d’en avoir détourné près d’un demi-million d’euros. La procédure dure, il est condamné une première fois en 2017, fait appel, et est innocenté en 2021. Malek Belaiboud, secrétaire général de l’UNSA, explique: “Comme il y a eu un rendu de jugement il y a quelques mois en sa faveur, ce monsieur souhaite revenir dans l’entreprise.”

Et Amadou N’Diaye, présent au rassemblement sur le parvis de la gare, ne s’en cache pas. “J’ai gagné mon procès. N’est-ce pas le devoir de toute organisation syndicale de se battre pour que la vérité soit rétablie? Je me suis battu pendant douze ans pour prouver mon innocence, et je ferai valoir mes droits.” En revanche, l’homme nie être présent au rassemblement pour son cas personnel, tout comme Fabien Beiersdorf de la CGT: “On en entend des vertes et des pas mûres. Il a été blanchi par le tribunal, libre à lui de faire ce qu’il a envie. Mais nous, notre intérêt, c’est la vie digne, la vie privée, la vie familiale. Le reste... Les chiens aboient, la caravane passe.”

“Ce n’est pas du syndicalisme”

Djamila Ouaz, de la CFDT, ne décolère pas contre Amadou N’Diaye, qu’elle n’hésite pas à qualifier de “gourou”: “On est dans le contexte du Covid-19. Tous les jours, on fait des permanences auprès des salariés qui ont perdu des proches pour les recevoir. Les frontières ne sont pas ouvertes, notre clientèle n’est pas là. De voir que l’on se sert des syndiqués pour une finalité personnelle, ce n’est pas du syndicalisme et ça nuit à l'image de l’entreprise. On se demande ce que font les organes syndicaux, les centraux”.

Amadou N’Diaye, entré à Disneyland Paris en 1991, balaye les critiques d’un revers de la main: “C’est de la jalousie! Les salariés savent qui je suis, ils me connaissent.” Considérant que la CGT est le seul syndicat à défendre les salariés, il s’emporte: “On ne veut pas que des technocrates aillent discuter sans que des salariés donnent leur avis! Pourquoi ont-ils peur de mon retour? Parce que je dérange”, va-t-il même jusqu'à assurer. Et Amadou N'Diaye de glisser au passage penser à l’écriture d’un livre dont il a déjà le titre –un rien vindicatif- en tête Les dessous de l’homme à abattre, avant de se raviser: ce n’est pas pour cela qu’il est là aujourd’hui. Il ne s'agirait pas que ça tourne à l'opération de com…

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